Le Phosphore Milharsais

Lire et comprendre un budget communal, c'est à dire quelle est l'utilisation de nos impôts locaux?

27 Octobre 2014 , Rédigé par BARRAU Jean-Pierre

Lire et comprendre un budget communal, où vont nos impôts ?

Toutes celles et ceux qui s’intéressent à la gestion de leur commune, savent que le budget est la pièce écrite maîtresse de référence qui détermine la vie de la commune.

Comme le dit le proverbe bien connu, c’est au pied du mur que l’on voit le maçon, il en est de même pour le budget communal, c’est à travers son élaboration et son exécution

-que l’on voit sa commune en devenir,

-par la même, que l’on perçoit l’action menée par son Conseil Municipal,

- et par conséquence directe, que l’on comprend mieux où passent nos impôts locaux.

L’un des aspects le plus difficile du travail de responsable municipal, commence véritablement vers la période de Toussaint (même si certains y réfléchissent toute l’année et si une ébauche a forcément été faite avant la campagne, pour déterminer les engagements électoraux)), période où l’inventaire de l’année doit être commencé avec une évaluation technique et financière, qui doit s’accompagner d’une réflexion prospective et financière sur ce qu’on va faire pour l’année qui vient, d’où l’élaboration d’un nouveau budget.

C’est le temps de la calculette, les touches additions, soustractions, divisions et multiplications s’en donnent à cœur-joie, et indiquent à celles et ceux qui sont obligés d’en jouer, la jubilation de la délivrance ou la complication ou encore la déception de la fausse piste.

C’est très souvent sous l’angle de la gestion comptable que le budget est présenté aux administrés. On leur annonce le chiffre de la globalité de son total, on souligne son équilibre entre le global des dépenses et des recettes, on le justifie par la certification et l’aval des chiffres obtenu des instances de tutelle, percepteur et préfecture. On cherche à sécuriser en quelque sorte le citoyen sur le bien-fondé du travail entrepris. La copie est toujours irréprochable !

Après cette déclaration habituelle de lieux communs, on trouve aussi souvent le paragraphe sur la complainte de la difficulté et du devoir accompli. Constatons simplement que ces difficultés de gestion ont toujours existé, en particulier, dans les petites communes rurales sans ressource comme la notre. Les équipes municipales successives, dont c'est après- tout la responsabilité et l'engagement pris, ont toujours réussis à présenter des budgets visant à régler au mieux les problèmes.

Tout cela ne veut pas dire grand-chose et ce n’est en grande partie que de la communication, on pourrait dire de la langue de bois, qui peut même aller à de la manipulation quelquefois.

Juger d’un budget, c’est être capable d’en faire l’analyse, et le seul énoncé du montant de quelques postes parcellaires ne le permet pas. Si on veut véritablement informer les gens pour qu’ils se fassent leur propre opinion, alors il faut leur donner tous les chiffres et montrer leur relation, ou alors on n’en parle pas.

De nombreuses communes, du fait de l’importance de ce document, prônent la transparence. Elles vont même jusqu’à instituer un bulletin d’information spécifique dédié à cet aspect de la vie citoyenne, document informatif reprenant tous les chiffres mais aussi document pédagogique qui les explique et les justifie, on peut toujours rêver ! D’autres semblent se contenter d’une information écrite plus générale, diffusée à chaque administré, utilisant la technique du confessionnal, c'est-à-dire engageant les initiés ou les contestataires à venir demander des informations ou des explications orales supplémentaires. D’autres encore ne donnent aucune information, et c’est leur droit, et c’est encore une autre façon de voir la gestion communale.

En vérité, un budget ce n’est pas un document facile pour un non-initié. C’est de la matière grise, c’est du phosphore, ça s’élabore, ça se construit et ça se comprend. C’est un tout, constitué de cinq parties indissociables :

- 1 D'abord pour le comprendre, il faut appréhender le tout. C’est d’abord un tout dont chaque composante compte, mais ne se justifie que par rapport à l'ensemble. Du général, au particulier me disait mon Professeur!. II faut avoir connaissance et prendre en considération tous les chiffres et pas seulement le montant de certains comptes, même s’ils sont justes et importants. L’information doit en être globale. C’est le premier postulat, si on veut vraiment informer, être transparent et crédible il faut tout donner.

- 2 Un budget c’est avant tout un acte politique, c'est-à-dire la concrétisation et la traduction politique, chiffrée des promesses électorales faites lorsque on en a brigué la responsabilité lors de l’élection. Il représente donc une volonté et une espérance partagée par l’équipe municipale pour la mise en œuvre de ce pourquoi elle s’est engagée (promesses électorales). Ce lien doit toujours être concrètement établi, avec les chiffres annoncés pour chaque poste, et doit faire apparaître et indiquer les avancées, les retards, les difficultés et les renoncements.On est plus dans les promesses, les souhaits, les intentions, mais dans l'action véritablement et concrètement menée.

- 3 Puis le budget, c’est un scénario de construction financière d’une stratégie politique. Ce montage obéit à des règles qu‘il faut rappeler et avec lesquelles on ne peut pas transiger (règles comptables), l’administration de tutelle est là pour veiller de toute façon à leur application, mais ce montage est surtout un travail de réflexions et de décisions, qui correspond à des choix de priorités, et d’ajustements qui doivent être clairement indiqués, et expliqués. La démocratie demande à ce que les responsables de son exécution fassent parler et expliquent les chiffres.

-4 Ensuite un budget ne peut s’apprécier que sur le moyen terme, 5 ou 6 ans, qui représentent la durée d’un mandat, et pas seulement sur le chiffrage des activités de l’année en cours. C'est-à-dire que le lien avec le budget précédent, mais surtout avec le suivant doit être précisé, tout en montrant son positionnement sur la trajectoire qui mène à la ligne d’arrivée, la fin du mandat, fin des engagements pris. Le temps de la mise en œuvre des promesses électorales est court, d’où la nécessité d’un travail sérieux et prospectif en amont, avec de véritables estimations des coûts et des plans de financement possible, accompagnés de simulations sérieuses qui précèderont les décisions.

Il faut même réfléchir à l’impact d’un budget sur l’après mandat, au-delà des 6 ans et l’indiquer si c’était le cas. S'il existe une opportunité avérée et qu’on finance un projet dont le retour sur investissement, ne se fera sentir qu’après cette échéance de plus de 6 ans, comme ce fut le cas de la dépense d’investissement consentie pour acheter et urbaniser les Grailhettes, ce n’est pas forcément une mauvaise décision, même si c’est sans aucun amortissement durant un certain temps pour ceux qui l'ont décidé.

- 5 Enfin le rapport entre le budget communal et le budget intercommunal doit être lui aussi clairement établi . Je dirais même que de nos jours cette information est essentielle, puisque la Communauté de Communes prend en charge certaines compétences et aspects du développement qui ne sont plus du ressort des dépenses communales.

La cohérence des juxtapositions et des superpositions qui existent entre les deux budgets doit être démontrée et précisée, en particulier sur le plan de l’effort des impôts à payer par l’administré pour ne pas lui demander de payer deux fois le même service?

C’est pour cette raison d’ailleurs, que dans de nombreuses communes la part de l’impôt communal a baissé, et a été compensée par l’impôt prélevé par la communauté de communes qui à l'expérience a largement augmenté la part des contribuables.

C’est peut être le moment, à l’époque des changements administratifs prévus par le nouveau découpage national, de clarifier les choses et de se poser le problème de la gouvernance des Communauté de Communes, en particulier de la représentativité de l’instance de décision, qui à mes yeux devrait être élue pour cette fonction spécifique, au suffrage universel, par l’ensemble des électeurs de son territoire, sur un programme de développement et un taux des prélèvements obligatoires connus et annoncé à tous à l’avance.

A partir de ce préambule, quelques questions à se poser.

-Quel est l’apport du budget par rapport aux promesses d’un mandat, c'est-à dire comment l’organisation présentée des finances répond –elle aux engagements pris ? :

- les chiffres indiqués à chaque poste du fonctionnement, traduisent-ils un maintien, une amélioration ou une diminution de chaque service rendu à la population (état des routes, collecte des ordures ménagères et de déchets recyclables, fonctionnement de l’éclairage public, disponibilité du secrétariat de Mairie …Si ce n'était pas le cas, pourquoi?

- les chiffres annoncés en face des programmes d’investissement à réaliser correspondent-ils là encore aux promesses, empêchant le vieillissement et les vétustés ciblés du patrimoine communal ou créant de nouvelles structures qui dynamiseront la commune ou certains de ses aspects. Si ce n'était pas le cas pourquoi?.

-Quelle est la part de l’investissement par rapport au fonctionnement ?

Que veut dire si c’est le cas, un budget sans investissement ou avec peu d’investissement? Est-ce une phase de transition, une tendance qui sera maintenue, ou une courte étape avant un rebond. La question qui peut alors se poser c’est : Pourquoi n’est-il pas réalisé suffisamment de marge pour doper cet investissement ? Auquel cas pourquoi ne pas emprunter si on démontre la volonté et les capacités existantes à réaliser la marge nécessaire pour payer les annuités.

-Quelle est la feuille de route sur la durée du mandat ? Comment présenter un budget annuel qui tienne la route, si les perspectives, les incidences et les contraintes financières ne sont pas réfléchies et prévues en continuité sur la durée du mandat. La programmation des réalisations doit être annoncée et prévue, sinon on tombera forcément dans la démarche du coup par coup, de l’effet d’aubaine et de l’effet d’annonce, qui s’avèrent spectaculaires mais tout compte fait insuffisants.

-Quel rôle fait-on jouer à la recette liée aux impôts locaux ? Pourquoi demander une augmentation des impôts, pour équilibrer ou pour réaliser quoi? Pour être dans la moyenne des communes c’est absurde? Impôts ou emprunts de toute façon le contribuable paiera ces recettes, mais c’est un choix, alors comment l’expliquer et le justifier ? Pour être complet sur ce chapitre il faudrait aussi dire clairement dans quels domaines et dans quelles proportions la Communauté de Communes intervient avec les impôts que nous lui versons?

-Quelle est la part des décisions, de volonté, d’initiative, de créativité, d’intelligence, d’implication et de risques personnels prise par les responsables locaux, par rapport aux conseils des gestionnaires professionnels, relevant d’administrations publiques voir même de cabinets privés qui pourraient aussi offrir leurs services?

S’entourer d’aide et de conseils d’experts de la gestion publique n’est pas une mauvaise chose en soi, mais à condition que la décision reste au politique élu local et qu’il ne se retranche pas et ne se couvre pas derrière le scénario qui pourrait lui être proposé, ce qui serait une mise sous tutelle et démontrerait une incapacité avérée. C’est quand même le politique local qui connaît le mieux les besoins de sa Commune, et qui sait le niveau d’engagement et d’efficacité de son équipe pour y répondre .

Personnellement ma conception des choses au niveau de la responsabilité d'un élu local, c'est d'abord de savoir ce qu'on veut faire, ce qu'on veut apporter à sa commune, décider de le formaliser en termes comptables dans un document budgétaire et demander ensuite au percepteur s'il est d'accord, et si on peut le faire, quitte à être obligé de l' amender. La démarche qui consiste à lui demander ce qu'on peut faire et s'aligner en terme d'actions et en terme budgétaires sur les avis du percepteur me semble dévaloriser, déresponsabiliser et minimiser le rôle de l'élu.

A titre d’exemple, je rappellerai ce qui a été fait avec succès ces dernières années, à l’époque où notre budget se voyait amputé des 15 000 euros versés par Lafarge et des 12 000 euros versés par l’état au titre de « Bourg-Centre », ce qui n'étaient pas de petites sommes, c’est la décision d’embauche de 2 employés communaux à plein temps prise par le Conseil municipal, , pour faire fonctionner une collecte d’ordures ménagères nouvellement mise en place, pour conserver notre distribution d’eau potable, pour refaire tout le bâti démoli ou vieillissant du bourg et du vieux village et pour assurer l’entretien de la Commune.

Aucun des experts préfectoraux consultés nous avaient indiqué, sur la base de leurs quotas et de leurs ratios cette piste, par contre on avait entendu comme proposition la réduction de nos dépenses de fonctionnement, donc de nos services à la population, la réduction du nombre du nombre d'heures allouées au seul employé que nous avions, et l’ utilisation de l’emprunt pour rénover les vacants municipaux en vue d’y réaliser un rapport locatif. Avec le recul on peut dire que c’était inapproprié aux besoins spécifiques de la Commune et que nous avons bien fait d’être inventifs.

Cette grille de lecture d’un budget communal qui vous est proposée, n’implique que son rédacteur.

Ce n’est qu’une proposition parmi tant d’autres, qui ne se veut ni modèle, ni référence universelle, et qui peut donc être discutée et amandée sans problème.

Elle n’est pas conçue non plus pour nier les difficultés de « l’élaboration » par les gestionnaires qui ont voulu en prendre la responsabilité ni celles de son « appropriation » par les administrés.

Elle permet tout de même,

-de savoir de quoi on parle et ce qu’on dit, qu’en on est amené à porter un jugement sur un cas concret,

-et d’apprécier la cohérence entre le projet communal, l’action entreprise par ceux qui sont chargés de sa mise en œuvre, et les moyens financiers dont ils disposent.

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A
Monsieur le Maire,<br /> <br /> Certaines personnes m'ont expliqué qu'à Milhars on est Maire d'un jour, Maire toujours.<br /> <br /> J'aime vous lire, j'aime votre style et ce que je préfère c'est la cohérence de la structure du texte, alors dites-nous, l'avez-vous ecrit, comme les autres, d'un seul trait, ou cent fois sur le métier avez-vous remis l'ouvrage?<br /> <br /> Votre grille d'analyse, diraient les sociologues, est parfaite mais combien contraignante.<br /> Pour vous en persuader, revenons en arrière et montrez-nous, uniquement sur le budjet de l'eau à partir de 2008 jusqu'en 2016 ce qu'il en fût et ce qu'il en serait s'il n'y avait pas eu de changements au conseil Municipal?<br /> <br /> Excusez-moi cette question embarrassante et de plus posée sous le couvert de l'anonymat.<br /> Donc vous pouvez la rejeter du revers de la main, sans problème, <br /> <br /> Mais je retiens l'idée et invite tous les administrés qui le désirent de faire cette analyse sur les buttes passés. D'ailleurs c'est un des aspects intéressants de l'existence des bulletins municipaux et de leur conservation ainsi que des archives(bonne idée de Robert de les exposer dans son musée.<br /> <br /> Encore toutes mes félicitations, Monsieur le Maire, pour avoir trouvé la voie de la libre expression et du libre échange des idées, avec un bilan carbone excellent. Je pense recommander votre blogue en exemple à toutes les municipalités qui vivent la même chose.<br /> <br /> <br />
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